Une méthodologie innovante pour décrypter le mécanisme d’infection d’un virus...

Une méthodologie innovante pour décrypter le mécanisme d’infection d’un virus dévastateur chez les poissons

Le virus de la virémie printanière de la carpe (VVPC) est un agent pathogène redoutable pour plusieurs espèces de poissons, notamment les carpes, les brochets ou les esturgeons. Aucune solution efficace n’existe actuellement pour prévenir ou lutter contre cette maladie pouvant entraîner des pertes massives. Les chercheurs INRAE du département Santé animale ont mis au point des développements technologiques et méthodologiques ayant pour but de suivre les processus infectieux et les réponses immunitaires des poissons. Avec l’objectif de répondre au principe éthique des 3R , ils ont appliqué des méthodes non invasives pour le raffinement des procédures et utilisé la larve de poisson-zèbre comme modèle alternatif de la carpe qui est une des espèces sensibles au virus. Ces travaux permettent d’identifier le point d’entrée du virus et donnent un nouvel éclairage sur la réponse immunitaire du poisson, ce qui permettra à l’avenir de proposer des méthodes de lutte et de prévention.

L'utilisation de la larve de poisson-zèbre pour étudier les maladies infectieuses permet d’investiguer les interactions hôte-pathogène et de caractériser les mécanismes des réponses immunitaires innées antivirales conservés chez les vertébrés (mammifères et poissons) et permet de réduire l’expérimentation animales sur ces espèces. La maladie causée par le virus de la virémie printanière de la carpe (VVPC) en est un parfait exemple car, en plus d'être une importante menace pour l'aquaculture et les écosystèmes, c'est aussi un pathogène modèle pour l’étude de ces interactions virus-hôte en poisson-zèbre.

Des avancées pour suivre la propagation du virus in vivo

Les chercheurs INRAE ont levé un verrou technologique en réussissant à modifier le génome ARN (par une technique nommée génétique inverse) de ce virus pour étudier tous les aspects de sa biologie. Cette approche permet aux chercheurs de mieux comprendre comment un virus fonctionne, comment il infecte les cellules et comment il interagit avec son hôte.
Les chercheurs ont équipé les virus de marqueurs fluorescents ou bioluminescents qui permettent de visualiser les virus et les cellules infectées sous certaines conditions,  et donc de suivre en temps réel l’infection dans l’organisme entier du poisson grâce à des technologies d’imagerie de pointe.

Une découverte clé : le rôle des nageoires dans l’infection

Contrairement à ce qui était rapporté, leurs résultats montrent que les nageoires (et non les branchies) sont le principal point d’entrée du virus dans l’organisme du poisson. Le VVPC se propage ensuite rapidement aux organes tels que le foie, les reins et la rate, provoquant des dommages importants.
Par ailleurs, les chercheurs ont montré que le virus provoque une inflammation excessive, en entraînant une production non contrôlée et importante d'une molécule pro-inflammatoire (IL1β) tout en maintenant l'activation de certains globules blancs (neutrophiles) de manière persistante au foyer infectieux. Cette réponse de l'hôte, sans retour à l'équilibre provoque des dégâts importants dans les tissus infectés et explique la gravité de la maladie.

Ce travail collaboratif et les outils mis au point ouvrent de nouvelles perspectives pour mieux comprendre la physiopathologie de la maladie induite par le VVPC.
Ces travaux sont pionniers et ne se limitent pas à la lutte contre ce seul virus. Ils ouvrent la voie à des avancées plus larges pour l'étude d'autres agents pathogènes aquatiques et une meilleure compréhension de l’immunité antivirale des poissons.

IERP/VIM
© Maxence Frétaud
Image de microscopie confocale montrant l'activation de la réponse proinflammatoire il1β en larve de poisson  zèbre transgénique (en vert) au niveau d'un foyer infectieux du virus recombinant de la virémie printanière de la carpe exprimant la mCherry (rouge). L'imagerie in vivo a révélé que les nageoires constituaient la principale porte d'entrée du SVCV en poisson zèbre (zone bleue) et chez la carpe et que le virus entraine une réaction inflammatoire sévère en l'absence de contrôle de l'infection (zone jaune). Crédit image : Maxence Frétaud

Voir aussi

Référence :

In vivo multiscale analyses of spring viremia of carp virus (SVCV) infection: From model organism to target species. Souto S, Lama R, Mérour E, Mehraz M, Bernard J, Lamoureux A, Massaad S, Frétaud M, Rigaudeau D, Millet JK, Langevin C, Biacchesi S. PLoS Pathog. 2024 Aug 5;20(8):e1012328. doi: 10.1371/journal.ppat.1012328. eCollection 2024 Aug. PMID: 39102417.

Ces résultats ont fait l’objet d’un dépôt de brevet.
Savoir-faire secret référencé dans la DIRV22-0142, intitulée « modèle d'infection robuste et reproductible de larve de poissons zèbre par les rhabdovirus de poisson pour des applications de criblage d'anti-infectieux in vivo à haut débit et à haut contenu ».
La génétique inverse est protégée par un brevet INRAE WO2024/003007, et la famille de brevets INRAE WO2007/144773 et WO2014/060905 pour construire des virus VNHI (virus de la nécrose hématopoïétique infectieuse) et VSHV (virus de la septicémie hémorragique virale) (UMR VIM, Mr Biacchesi).

Contacts scientifiques :

Christelle LANGEVIN
christelle.langevin@inrae.fr
Directrice de la Plateforme d’infectiologie expérimentales des rongeurs et poissons (IERP)
Département scientifique Santé animale
Centre INRAE Ile-de-France-Jouy-en-Josas-Antony

Stéphane BIACCHESI
stephane.biacchesi@inrae.fr
Unité mixte de recherche « Virologie et immunologie moléculaires » (VIM)
Département scientifique Santé animale
Centre INRAE Ile-de-France-Jouy-en-Josas-Antony